Littérature:Petit Jardin en Fleur/Mégiste ou la soif du savoir

De Magnus Codex


Mégiste ou la soif du savoir
RecueilPetit Jardin en Fleur
TypeNouvelle
ÉtatBrouillon

Mégiste ou la soif du savoir

En l'an 121 du Troisième Âge

Le vent était froid. Les os de la vieille dame vibraient, si fort qu'elle dû fermer les yeux.

Quand elle les rouvrit, elle contemplai ce paysage qu'elle connaissait si bien. On était en pleine saison humide, la toundra qui s'étendait plus loin que le regard portait était marron, détrempée. À sa gauche, au dessus de l'horizon, pointait le Belvédère des Dieux, magistrale merveille, édifice massif en bois qui s'élevait bien plus haut que la crête sur laquelle était perchée sa bicoque. Il pointait vers le Golfe des Éléments, cette grande mer froide dont les flots se déversait avec fureur sur les récifs au pied de ladite crête, chantant la musique de l'écume sur l'intégralité du champ de vision, quand celui-ci était tourné de l'autre côté. À droite, ça simple masure en bois sombre d'un pays lointain dégageait une aura inquiétante, le vent sifflant entre ses planches mal ajustées.

Son regard se tourna alors vers deux petites silhouettes, qui gravissait la pente douce avec difficulté, lutant contre le vent. L'une d'entre elle s'aidait d'un long bâton de marche tout en gardant une main sur son chef pour empêcher son chapeau à revers d'être soufflé par les bourrasques. La seconde marchait dans les trace de la première.

La vieille dame demeura dans son fauteuil à bascule et attendit patiemment qu'ils achèvent leur progression.

Quand les voyageurs furent assez près, elle les dévisagea. Celui qui ouvrait la marche était un homme originaire de Slevaria —son teint d'un gris très clair le trahissait, et son accent qu'elle entendra plus tard le confirmera—. Il portait une épaisse barbe blanche et des cheveux mi-long fraîchement coupés. Il avait des vêtements épais et son bâton de marche était de bonne facture. Il portait un sac à dos lourd et robuste.

Le second personnage avait la peau absolument blanche. Par comme les gens de Slevaria, qui avaient la peau pâle mais toujours un peu grisâtre, sa peau à lui était parfaitement immaculée. Il portait des vêtements très légers pour la saison, avec la chemise entrouverte au niveau du col. Il ne portait aucun accessoire, pas de chapeau ni de sac. Sa seule fantaisie était un gant de cuir noir qui enveloppait sa main gauche.

Quand ils arrivèrent, ils se tinrent simplement devant la vieille dame. Aucune remarque sur l'absence de route, aucune question pour savoir comment la vieille s'approvisionnait comme le faisait souvent les rares visiteurs. Juste leur souffle haletant. Cela la fit sourire.

Au bout d'un long moment de silence, le barbu brisa enfin le silence.

"Vous êtes Mégiste, n'est-ce-pas ?"

En signe d’assentiment, la vieille garda le silence.

"J'aimerais utiliser votre bibliothèque."

La vieille Mégiste se leva, leur fit signe de la suivre, et pénétra dans sa maison.

Ce ne fut qu'une fois à l'intérieur qu'elle pris la parole.

"Entrez entrez, jeunes voyageurs. Ce n'est pas le grand confort, mais il y a ici tout ce que vous pouvez chercher. Et vous êtes à l'abris du vent."

La maison ne possédait pas de vestibule. Elle était formée d'une seul grande pièce dont tous les murs étaient couverts de très hautes étagères, toutes remplies à ras bord de livres plus ou moins anciens.

Un bureau était aménagé pour la vieille Mégiste d'un côté de la pièce, et une table de lecture était dressée de l'autre. Au centre exact se tenait un lourd candélabre de deux mètres de haut.

L'homme blanc jeta un rapide coup d’œil au large et confortable fauteuil et de son repose-pieds qui était repoussé dans l'angle de deux bibliothèques, probablement là où la vieille Mégiste dormait. Il n'y avait pas de signe de la moindre nourriture.

"Il paraît que vous avez la plus grande bibliothèque du monde", fit remarquer le barbu. Il fallait dire que bien que simple, la bicoque était spacieuse. D'autant que l'aménagement faisait qu'on avait l'impression qu'elle était plus grande dedans que dehors.

La vieille Mégiste haussa un sourcil. "Quid des Archives du Monde ? De la Bibliothèque Maistrale, à Oasis ? De la Grande Bibliothèque des diseurs de Cosma ? Et des collections personnelles des grands seigneurs de l'Arcanisme ou de la Linguistique ?"

"Je parlais d'ouvrages..." Il laissa traîner sa phrase en faisant un geste circulaire avec les doigts. "Uniques." L'appuie prononcé sur ce dernier mot montre qu'il savait de quoi il parlait.

Mégiste la bibliothécaire confirma "Dans ce sens-là, oui, c'est la plus grande bibliothèque que vous pourrez trouver sur ce sujet."

Le barbu émit un siffle d'admiration. Il estima la quantité de livres entre sept et huit mille—non, plutôt le double vu que la plupart des étagères avaient deux rangées de livres l'une derrière l'autre—, mais cela restait une estimation vague car beaucoup d'ouvrages avaient des reliures grossières, étaient des folios, ou encore des rouleaux.

Alors que Mégiste la bibliothécaire s'asseyait à son bureau, les deux hommes parcourait les étagères des yeux, en prenant bien soin de ne toucher à rien.

"Comment sont classés les ouvrages ?" demanda le barbu en tentant de démêler la logique de classification.

C'est l'homme blanc qui lui répondit. "Par aspect, j'ai l'impression."

Ils passèrent quelques instants de plus à assouvir leur curiosité en lisant ce qu'ils pouvaient des reliures jusqu'au moment où le barbu remarqua l'insistance avec laquelle Mégiste la bibliothécaire regardait son compagnon, les sourcils froncés.

"Mon camarade vous intrigue ?" demanda-t-il.

Elle secoua la tête. "C'est juste que je ne suis pas sûre de me souvenir à quel clan ce teint revient-il."

Le barbu eut un rictus gêné. L'homme blanc était trop loin et trop absorbé pour entendre leur échange.

"En tout cas il est rare de voir un démon collaborer avec un humain."

Le barbu haussa les épaule. "Vous savez, je suis des préceptes très spécifiques, et je ne peux pas me permettre de discriminer ceux qui veulent bien m'accompagner."

Mégiste secoua de nouveau la tête. "Je ne parlais pas de vous. Il est évident que nombre d'humains avides consentent à s'entourer de ces engeances. Mais que les démons accompagnent sciemment les humains, dans leur propre intérêt, c'est rarissime."

"Oui, mais celui-ci est très particulier. Presque unique en son genre."

Cette dernière remarque provoqua une épiphanie dans les pensées de Mégiste. "Un pyrrhon ! Mais c'est bien sûr ! Je pensais ne jamais en voir de toute ma vie !"

Cette exclamation fit sursauter le concerné, qui lança vers eux un regard de surprise.

"Je suis navrée", s'excusa Mégiste, "je suis très inculte à propos des démons, je suis née bien avant leur apparition sur Rosarya."

Le pyrrhon s'approcha "Le seul fait que vous connaissiez le nom de mon clan est un exploit que peu de gens son capable d'accomplir." Il lança un regard au barbu qui avait clairement l'air de dire "On fait quoi ? On la tue ?" mais qui reçu une réponse négative de la part de celui-ci. "C'est justement parce qu'elle possède de telles connaissances dans ces livres qu'on est venus la voir."

Mégiste sourit. Le barbu se tourna vers elle. "Et puis, je suis sûr que vous avez bien protégé votre maison."