Littérature:À Fleur de Flingues/1 - Patrouille/1

De Magnus Codex


1.01
RecueilÀ Fleur de Flingues
Arc1 - Patrouille
TypeChapitre
ÉtatBrouillon
Sous-pages

1.01

"Jour de pluie"

Le chef de Barbara hocha la tête une seule fois face à la réponse routinière à sa sempiternelle question : 'Comment ça va ?'.

Barbara n'avait même pas fait attention à lui. Il était à peine sept heure du matin, et comme d'habitude, seuls le chef Brunet et elle était présents. Elle avait répondu de manière mécanique, sans le regarder

C'est quand elle remarqua qu'il s'attardait qu'elle se tourna vers lui. "Qu'est-ce que tu m'veux, Michaël ?"

Le chef Brunet contempla un instant Barbara. Elle était profondément assise dans son siège de bureau, jambes croisée, avec une canette de café dans une main et un cigarillo dans l'autre. Ses sourcils épais était aussi froncés que ses cernes étaient prononcés. Le chef Brunet savait qu'il faisait partie des rare personnes à pouvoir déranger Barbara Mollast avant qu'elle ait fini son café et y survivre.

Ce privilège était mérité, car Barbara était la seule personne du bâtiment pouvant se permettre d'être aussi familière avec le chef Brunet.

"J'ai une nouvelle à t'annoncer, et je voulais le faire avant que tes collègues n'arrivent."

Barbara eut un rictus. Le chef Brunet ne savait pas si c'était parce qu'il avait utilisé le mot "collègue" —qui, selon Barbara, est très discutable— ou si parce qu'elle anticipait déjà que c'est le genre de nouvelle qui allait gâcher sa journée. Elle tira une bouffée sur son cigarillo, amusée et silencieuse.

Le chef Brunet se décala et Barabara pu alors remarquer que quelqu'un se trouvait juste derrière lui. Elle le dévisagea un instant, puis renvoya à son chef une moue interrogatrice.

"Agent Barbara Mollast, je vous présente votre nouveau partenaire, l'agent Étienne Cellier."

Le petit nouveau fit un geste de salutation maladroit, qui se heurta à la posture de pierre de sa nouvelle partenaire.

Les muscles du chef Brunet se tendirent. Il venait de jeter une allumette dans la poudrière. Pourquoi était-il venu faire cette annonce au moment de la journée ou Barbara était la plus irritable ? Au fond, c'était un test pour la jeune recrue. S'il survivait à la Colère Matinale de Mollast, il survivrait à tout ce que le métier pourrait lui infliger par la suite.

Il vit les yeux de sa subordonnée se plisser, ses lèvre se serrer, comme si elle allait à tout moment cracher un flot d'acide au visage d'Étienne Cellier, ou comme si elle était prête à se déployer de tout son long pour se jeter à sa gorge.

Un ange passa, puis deux. Un amas de cendre tomba sur la moquette humide, dans l'indifférence générale. L'électricité dans l'air fit se dresser les poils sur les avant-bras du chef Brunet. Il attendit l'impact...


"Okay."

Michaël resta coi devant cette réponse si brève et cette intonation du 'Okay' si caractéristique de Barbara, en rendant gutturale la dernière syllabe.

Après un instant, elle haussa les épaules. "Quoi ? Tu t'attendais à ce que je te joue le cliché de l'agente qui 'préfère travailler en solo' ? C'est mal me connaître."

Barbara se tourna vers la bleusaille. "Par contre, mettons-nous d'accord tout de suite, mais tu vas faire tout ce que je te dis, okay ?"

Le ton était sans équivoque : ce n'était pas un choix qu'elle lui laissait.

Barbara vit Michaël se détendre de tous les muscles de son corps. Il savait que ce 'okay' était un tic de langage que Barabara avait quand elle était détendue.

Michaël donna une tape sur l'épaule de Cellier, comme pour dire 'Félicitations, tu es encore en vie !'



C'était marrant, parce que quand elle parlait de Michaël, chef de section à la DGSI, à des gens qui ne le connaissait pas, ils s'imaginaient toujours un blanc. Un des plaisir secret —mais certainement pas coupable— de Barbara était d'observer les congestions de leurs visages quand ils se rendaient compte que c'était un noir, comme si "Brunet" ne pouvait pas être le nom d'une personne dont la famille est française depuis plus de cinq générations.