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Fertilenne, année 844 du Premier Âge.

La grande Cité de Fertilenne était principalement construite en pierre. Ça avait été très peu commode, en plein milieu du plus grand marais du monde, de devoir importer des centaines de milliers de blocs de pierre depuis les carrières du pays voisin, même avec le transport fluvial qui était particulièrement bien développé.

Mais cela avait néanmoins l’avantage d’avoir des bâtiments solides. Sans nul doute qu’ils resteraient debout des siècles, voire des millénaires.

Cependant, comme le climat du marais était très humide, il faisait toujours assez froid à l’intérieur des bâtisses, bien plus frais en tout cas que la chaleur étouffante de l’extérieur. Étant née ici, je n’avais jamais fait attention au froid et à l’humidité des bâtiments auparavant.

Or, ce jour là, avec les blessures qui me faisaient souffrir, cette fraîcheur moite était comme du sel sur mes plaies.

La salle dans laquelle j'étais enfermée était carré, avec une unique fenêtre – ou plutôt, un lucarne.

La seule issue de la pièce était face au mur au pied duquel j'étais assise. Une lourde porte de bronze. Elle n'étais pas verrouillée, mais je ne sortirai pas.

Je regardai le rai de lumière que le soleil projetai à travers la lucarne, comme un cadrant solaire sur le sol, gradué par les rainures des dalles. Il n'étais pas loin de midi. Mon “hôte” allait bientôt revenir.

Je tremblais de froid, de douleur et de peur.


Deux jours plus tôt.

“Le corbeau.“

La longue ardoise tomba sur le tapis d’herbe tressée auprès de trois de ses semblables. La cartomancienne en tira une cinquième et la laissa tomber au centre de la croix formée par les quatre autres.

“Le Point-Moyeux.“

Je regardais le tirage. L’agricultrice. La rivière. La montagne. Le corbeau. Le point-moyeux. La cartomancienne resta un long moment silencieuse. Son doigt tomba finalement sur le corbeau.

“C’est très mauvais. Associé au point-moyeux, c’est un signe de souffrance. Vous menez une vie dure, de nombreuses épreuves balisent votre chemin, et celui-ci sera ponctué de souffrance.“

Elle avait l’air désolé, et contempla ses cartes pour essayer d’en tirer une autre interprétation. Mais elle finit par secouer la tête.

“Tu es sûre ?“ lui dis-je. “Chez moi, on ne tire pas les mystères divin, et on fait le tirage en croix avec quatre cartes. Selon mon interprétation, le corbeau suivant la montagne est un signe de rédemption, pas de souffrance.”

Elle posa les coudes sur la table et planta son regard droit dans le mien. “Écoute, jeune fille, les dieux s’expriment à travers moi selon une manière que moi je sais interpréter. Si c'était toi qui avais fait le tirage, je te laisserais l'interpréter, mais là je suis formelle. Navrée.“

J’ouvris la bouche pour répondre, mais elle ne m’en laissa pas le temps.

“D’ailleurs, si toi aussi tu es cartomancienne, pourquoi tu es venue me voir ?“

Je refermais la bouche. Je voyais dans ses yeux que sa question était rhétorique.

Je me levais et sorti cinq étoiles alchimiques de ma poche que je laissai tomber sur la table. L’air désabusé, elle les fit glisser dans sa bourse.

Au moment de sortir, elle me héla. “Fait attention à toi, jeune femme.“

Le rideau de perle cliqueta derrière moi