« Littérature:Petit Jardin en Fleur/Le sang de mon âme » : différence entre les versions

De Magnus Codex
Aucun résumé des modifications
Aucun résumé des modifications
Ligne 7 : Ligne 7 :
''Fertilenne, année 844 du Premier Âge.''
''Fertilenne, année 844 du Premier Âge.''


La grande Cité de Fertilenne était principalement construite en pierre. Ça avait été très peu commode, en plein milieu du plus grand marais du monde, de devoir importer des centaines de milliers de blocs de pierre depuis les carrières du pays voisin, même avec le transport fluvial qui était particulièrement bien développé.
Glacée. J'étais glacée. La pierre érodée du sol me faisait l'effet de bloc de glace sous mes jambes et mes fesses nues, celle râpeuse des murs me faisait l'effet de l'étreinte de la mort contre mon dos.  


Mais cela avait néanmoins l’avantage d’avoir des bâtiments solides. Sans nul doute qu’ils resteraient debout des siècles, voire des millénaires.
En face de moi se trouvait une porte en métal, l'unique sortie de cette pièce. Il n'y avait pas de fenêtre, pas de meuble, juste cette porte. Je la fixais, car j'étais terrifiée à l'idée qu'elle s'ouvre de nouveau.  


Cependant, comme le climat du marais était très humide, il faisait toujours assez froid à l’intérieur des bâtisses, bien plus frais en tout cas que la chaleur étouffante de l’extérieur. Étant née ici, je n’avais jamais fait attention au froid et à l’humidité des bâtiments auparavant.
Ici, à Fertilenne, le climat était chaud et humide. C'était une immense cité de pierre construite au milieu du plus grand marais du monde, donc dire que le climat était "chaud et humide" est le plus grand euphémisme qu'on puisse se permettre.


Or, ce jour là, avec les blessures qui me faisaient souffrir, cette fraîcheur moite était comme du sel sur mes plaies.
Mais là je me trouvais dans une cave, loin sous la vase. Il faisait encore plus humide qu'à la surface, les murs vaseux suintaient tant l'air était saturé d'humidité. Quand je respirait, un nuage de buée apparaissait devant mon visage. L'air était ''glacé.''


La salle dans laquelle j'étais enfermée était carré, avec une unique fenêtre – ou plutôt, un lucarne.
J'étais en capacité physique de partir. Mes jambes auraient été capables de me porter et de me conduire à la sortie de la pièce, et mes bras aurait été capable d'ouvrir la porte, car je savais qu'elle n'était pas verrouillée. Je n'étais ni blessée, ni fatiguée. Mais quelque chose en moi, quelque chose de profond, m'empêchait de partir. J'étais terré, acculée comme un animal en panique, sachant que ce n'était qu'une question de temps avant que ''les pires horreurs'' ne se présentent de nouveau à moi.  


La seule issue de la pièce était face au mur au pied duquel j'étais assise. Une lourde porte de bronze. Elle n'étais pas verrouillée, mais je ne sortirai pas.
J’appréhendais tellement ce moment que je souhaitais ''mourir''. S'il m'avait été donné de le faire, je me serais tuée. Mais ici, dans cette pièce dénuée de tout attirail et dans l'incapacité psychologique de quitter cette pièce, je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre.


Je regardai le rai de lumière que le soleil projetai à travers la lucarne, comme un cadrant solaire sur le sol, gradué par les rainures des dalles. Il n'étais pas loin de midi. Mon “hôte” allait bientôt revenir.
Puis, pinacle de mes angoisses, point d'orgue de mon désespoir, la lourde porte métallique, dans un long et sinistre grincement, s'ouvrit.  
 
Je tremblais de froid, de douleur et de peur.
----''Deux jours plus tôt.''
----''Deux jours plus tôt.''


Ligne 32 : Ligne 30 :
Je regardais le tirage. L’agricultrice. La rivière. La montagne. Le corbeau. Le point-moyeux. La cartomancienne resta un long moment silencieuse. Son doigt tomba finalement sur le corbeau.
Je regardais le tirage. L’agricultrice. La rivière. La montagne. Le corbeau. Le point-moyeux. La cartomancienne resta un long moment silencieuse. Son doigt tomba finalement sur le corbeau.


“C’est très mauvais. Associé au point-moyeux, c’est un signe de souffrance. Vous menez une vie dure, de nombreuses épreuves balisent votre chemin, et celui-ci sera ponctué de souffrance.“
“C’est très mauvais. Associé au point-moyeux, c’est un signe de souffrance. Vous menez une vie dure, de nombreuses épreuves balisent votre chemin, et celui-ci sera parsemé de souffrance.“


Elle avait l’air désolé, et contempla ses cartes pour essayer d’en tirer une autre interprétation. Mais elle finit par secouer la tête.
Elle avait l’air désolé, et contempla ses cartes pour essayer d’en tirer une autre interprétation. Mais elle secoua la tête.


“Tu es sûre ?“ lui dis-je. “Chez moi, on ne tire pas les mystères divin, et on fait le tirage en croix avec quatre cartes. Selon mon interprétation, le corbeau suivant la montagne est un signe de rédemption, pas de souffrance.”
“Tu es sûre ?“ lui dis-je. “Chez moi, on ne tire pas les mystères divin, et on fait le tirage en croix avec quatre cartes. Selon mon interprétation, le corbeau suivant la montagne est un signe de rédemption, pas de souffrance.”


Elle posa les coudes sur la table et planta son regard droit dans le mien. “Écoute, jeune fille, les dieux s’expriment à travers moi selon une manière que ''moi'' je sais interpréter. Si c'était toi qui avais fait le tirage, je te laisserais l'interpréter, mais là je suis formelle. Navrée.“
Elle posa les coudes sur la table et planta son regard droit dans le mien. “Écoute, jeune fille, les dieux s’expriment à travers moi selon une manière que ''je'' sais interpréter. Si tu faire une interprétation, fait ton propre tirage.“


J’ouvris la bouche pour répondre, mais elle ne m’en laissa pas le temps.
J’ouvris la bouche pour répondre, mais elle ne m’en laissa pas le temps.
Ligne 50 : Ligne 48 :
Au moment de sortir, elle me héla. “Fait attention à toi, jeune femme.“
Au moment de sortir, elle me héla. “Fait attention à toi, jeune femme.“


Le rideau de perle cliqueta derrière moi
Le rideau de perle cliqueta derrière moi.
 
"Putain !" lâchai-je de rage, au milieu des passants, qui me regardèrent avec désaprobation.

Version du 11 juin 2023 à 18:54

Le sang de mon âme
RecueilPetit Jardin en Fleur
TypeNouvelle
ÉtatBrouillon

Le sang de mon âme

Fertilenne, année 844 du Premier Âge.

Glacée. J'étais glacée. La pierre érodée du sol me faisait l'effet de bloc de glace sous mes jambes et mes fesses nues, celle râpeuse des murs me faisait l'effet de l'étreinte de la mort contre mon dos.

En face de moi se trouvait une porte en métal, l'unique sortie de cette pièce. Il n'y avait pas de fenêtre, pas de meuble, juste cette porte. Je la fixais, car j'étais terrifiée à l'idée qu'elle s'ouvre de nouveau.

Ici, à Fertilenne, le climat était chaud et humide. C'était une immense cité de pierre construite au milieu du plus grand marais du monde, donc dire que le climat était "chaud et humide" est le plus grand euphémisme qu'on puisse se permettre.

Mais là je me trouvais dans une cave, loin sous la vase. Il faisait encore plus humide qu'à la surface, les murs vaseux suintaient tant l'air était saturé d'humidité. Quand je respirait, un nuage de buée apparaissait devant mon visage. L'air était glacé.

J'étais en capacité physique de partir. Mes jambes auraient été capables de me porter et de me conduire à la sortie de la pièce, et mes bras aurait été capable d'ouvrir la porte, car je savais qu'elle n'était pas verrouillée. Je n'étais ni blessée, ni fatiguée. Mais quelque chose en moi, quelque chose de profond, m'empêchait de partir. J'étais terré, acculée comme un animal en panique, sachant que ce n'était qu'une question de temps avant que les pires horreurs ne se présentent de nouveau à moi.

J’appréhendais tellement ce moment que je souhaitais mourir. S'il m'avait été donné de le faire, je me serais tuée. Mais ici, dans cette pièce dénuée de tout attirail et dans l'incapacité psychologique de quitter cette pièce, je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre.

Puis, pinacle de mes angoisses, point d'orgue de mon désespoir, la lourde porte métallique, dans un long et sinistre grincement, s'ouvrit.


Deux jours plus tôt.

“Le corbeau.“

La longue ardoise tomba sur le tapis d’herbe tressée auprès de trois de ses semblables. La cartomancienne en tira une cinquième et la laissa tomber au centre de la croix formée par les quatre autres.

“Le Point-Moyeux.“

Je regardais le tirage. L’agricultrice. La rivière. La montagne. Le corbeau. Le point-moyeux. La cartomancienne resta un long moment silencieuse. Son doigt tomba finalement sur le corbeau.

“C’est très mauvais. Associé au point-moyeux, c’est un signe de souffrance. Vous menez une vie dure, de nombreuses épreuves balisent votre chemin, et celui-ci sera parsemé de souffrance.“

Elle avait l’air désolé, et contempla ses cartes pour essayer d’en tirer une autre interprétation. Mais elle secoua la tête.

“Tu es sûre ?“ lui dis-je. “Chez moi, on ne tire pas les mystères divin, et on fait le tirage en croix avec quatre cartes. Selon mon interprétation, le corbeau suivant la montagne est un signe de rédemption, pas de souffrance.”

Elle posa les coudes sur la table et planta son regard droit dans le mien. “Écoute, jeune fille, les dieux s’expriment à travers moi selon une manière que je sais interpréter. Si tu faire une interprétation, fait ton propre tirage.“

J’ouvris la bouche pour répondre, mais elle ne m’en laissa pas le temps.

“D’ailleurs, si toi aussi tu es cartomancienne, pourquoi tu es venue me voir ?“

Je refermais la bouche. Je voyais dans ses yeux que sa question était rhétorique.

Je me levais et sorti cinq étoiles alchimiques de ma poche que je laissai tomber sur la table. L’air désabusé, elle les fit glisser dans sa bourse.

Au moment de sortir, elle me héla. “Fait attention à toi, jeune femme.“

Le rideau de perle cliqueta derrière moi.

"Putain !" lâchai-je de rage, au milieu des passants, qui me regardèrent avec désaprobation.