« Littérature:Petit Jardin en Fleur/La cour de printemps » : différence entre les versions
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Ce fut à l'issue de quelques virvoltes autour du Juge Suprême qu'elle conclut par une longue note soutenue sur un puissant vibrato qui, Luder l'entrevit, arracha une larmichette aux plus sensibles des convives. | Ce fut à l'issue de quelques virvoltes autour du Juge Suprême qu'elle conclut par une longue note soutenue sur un puissant vibrato qui, Luder l'entrevit, arracha une larmichette aux plus sensibles des convives. | ||
Elle garda la pose pendant l'instant de quiétude qui s'ensuivit, gracieuse, une jambe tendue vers l'avant, la pointe effleurant le sol, les bras en suspension dans l'air, le menton levé | Elle garda la pose pendant l'instant de quiétude qui s'ensuivit, gracieuse, une jambe tendue vers l'avant, la pointe effleurant le sol, les bras en suspension dans l'air, le menton levé, les yeux humide et le visage perdu dans un état d'émoi. | ||
Un rugissement d'applaudissement | Un rugissement d'applaudissement éructa de la foule quand elle se relâcha sa posture et afficha un sourire éblouissant. | ||
Elle s'inclina une douzaine de fois pour remercier ce triomphe puis, quand le silence fut revenu, prit la parole avec une voix aussi puissante qu'elle était douce. | |||
''Elle doit aussi être une excellente chanteuse'', pensa le seigneur Luder en l'entendant. | |||
"Merci à vous pour cet accueil digne des plus plus seigneurs de ce monde ! Je n'ai nul besoin de me présenter, vous savez tous qui je suis !" | |||
Les moins dignes des convives crièrent son nom, "Gardénia ! Gardénia !", avec un laisser-aller qui firent naître des rictus gênés sur les lèvres des plus haut seigneurs — mais pas du seigneur Luder, qui avait un flegme à toute épreuve. | |||
Bien sûr que tout le monde l'avait reconnue, c'était la bardesse la plus convoitée du monde, ces dernières années. Elle était tout à fait identifiable par le symbole tracé à l'or sur la table d'harmonie de sa viole et qui ornait ses oreilles en des boucles d'argent : un papillon posé sur une gardénia. | |||
Le seigneur Luder savait qu'il s'agissait d'une gardénia, car c'est de cette fleur qu'elle a pris son nom, mais elle ressemblait en réalité à une fleur assez lambda, sur son symbole. Peu de gens connaissait l'existence de cette fleur, aussi aujourd'hui le mot 'gardénia' était plus associé à la personne qu'à la plante. | |||
Luder réfréna un sourire. C'était la première fois qu'il voyait la bardesse en personne mais il l'avait beaucoup étudiée. Il savait que son pseudonyme n'était pas choisi au hasard, ainsi avait-il entre autres découvert que la gardénia était symbole de beauté, mais aussi du secret dans certaines culture. | |||
Il jeta un œil à son ami le seigneur Farel, mais son regard braqué sur l'artiste ne trahissait aucune émotion. | |||
"J'ai aujourd'hui la chance, que dis-je, l'insigne honneur d'être non seulement l'invitée d'honneur de la Cour de Printemp, mais également de vous introduire, " |
Version du 24 janvier 2024 à 22:13
Recueil | Petit Jardin en Fleur |
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Type | Nouvelle |
État | Brouillon |
La cour de printemps
Stellaroc, printemps de l'année 408 du Deuxième Âge.
Ce n'était pas la première fois que le seigneur Luder participait à la célèbre Cour de Printemps de la cité de Stellaroc. C'était même son terrain de jeu préféré.
Pendant que sa femme —la titulaire des terres de Primera et seigneure en titre de la cité de Passy— s'occupait de toute la mascarade protocolaire, lui vagabondait avec un air enjoué pour saluer tous ses homologues qui étaient présent dès le matin du premier jour de la cour.
Les halls du château de Stellaroc avait des airs de campus universitaire, et pour cause c'en était un, non sans rappeler au seigneur Luder la grande Université de Ketarop-sur-Lac au sein de laquelle il avait passé quelques années de sa vie à étudier l'économie et la logistique.
En tant que consort, l'étiquette était plus laxiste envers lui et il pouvait saluer avec amicalité les seigneures et les seigneurs qu'il appréciait le plus. Ainsi fut-il heureux de constater que son vieil ami, le seigneur Farel, était lui aussi présent pour l'ouverture de la cour.
"Wolas, mon ami !" s'exclama le seigneur Farel à la vue de son compatriote. "Comment allez-vous !"
"Ça fait du bien de voir autre chose que des courtisans de la tradition Divine, pour une fois !" répondit l'intéressé en ayant bien fait attention à ce qu'aucun des courtisans mentionnés ne fut à portée de voix.
"Je comprends ! Moi-même suis encore éreinté de la Cour Exaltée de l'Enclave, fut ce-t-elle finie depuis deux mois !"
Il échangèrent des amitiés, en commentant notamment qu'ils étaient les deux seuls courtisans arcanistes de l'assemblée, à leur grand dam, mais que les cours alchimiques étaient bien plus agréables que leurs cousines des pays voisins — les cours shamanes étaient trop rustes et les cours de la Foi protocolaires à outrance.
Ils avaient comme à leur habitude déjà dénombré tout·es les grand·es seigneur·es qui devaient y être présent. Bien entendu le seigneur Edson, leur hôte, seigneur de Stellaroc et dirigeant de la tradition Alchimique, ainsi que trois de ses cinq vassaux directs.
En terme de représentants étrangers, on pouvait voir les deux seigneurs de la Foi dont les cités étaient sur la Mer Intérieure, et qui donc entretenait des relations privilégiées avec Stellaroc et toutes les villes portuaires du Golfe Étoilé. Pour la même raison, la seigneure shamane du Cercle Akva était également parmi les convives, ainsi que le seigneur diseur de Uestea.
Mais la présence la plus surprenante de tous ces dignitaires était celle de la seigneure Am-Eldassif, dirigeant de Oasis et de tout la tradition Linguistique. Elle avait dû faire en bateau un trajet qui contournait toute la côte désertique, passait l'Isthme de l'Ombre et traversait la Mer Intérieure dans toute sa largeur, aussi c'était un grand honneur pour la cour. Sans doute avait-t-elle quelque affaire importante a discuter avec le seigneur Edson.
Aucuns des grands seigneurs de l'Expressionnisme, du Perfectionnisme ou du Druidisme n'étaient présents en personne, sans doute freinés par la distance terrestre qui séparait leur nation de celle de l'Alchimie — bien que le pays druidique soit directement relié au Golfe des Élément par un cours d'eau, mais d'aucun savait que voir un seigneur majeur du Druidisme à une cour de complaisance était chose rare.
Bien entendu, tous les grands seigneurs absents avaient envoyé une délégation les représentant, et d’innombrables seigneurs et seigneures mineures était présentes, mais ni les uns, ni les autres n'intéressaient le seigneur Luder.
Luder nota qu'il était le seul seigneur consort ayant fait le trajet avec sa femme. C'était un luxe qu'il pouvait se permettre car leur dauphine était largement en âge de gouverner, et ils aimaient la laisser aux commandes de leur fief quand ils étaient absent — la seigneure Ester Luder était vieille, et elle songeait sérieusement à abdiquer, autant commencer doucement la passation du pouvoir.
Le seigneur Edson, hôte de la cour, n'était toujours pas visible parmi les convives. L'ouverture officielle de la cour était prévue pour midi, et le protocole exigeait qu'il laisse ses invités discuter sans lui jusque là.
Peu avant midi, alors qu'on attendait l'arrivée imminente du seigneur des lieux, un invité surprise fit son entrée.
Les plus jeune courtisan ne connaissait pas son visage mais Luder le reconnu presque immédiatement : il s'agissait Tété-Hémobré, un Juge Suprême particulièrement influents dans la région du Triant.
Il portait un long tabard noir frappé du Point-Moyeux, le symbole des guides, sur une armure lourde. Sur ses spalières de cuir noir avait été cousu au fil d'argent l’Œil de Nacre, le symbole des Juge Suprêmes — qui, Luder n'arrivait pas à en démordre, ressemblait à un œil dont la pupille était représentée par le Point-Moyeux, ce qui le pertubait en terme de symbole. Il avait une hache démesurée —un kora— dans le dos, et faisait partie des rares classes sociales pouvant se permettre ce genre d'accessoire inopportun à la cour d'un seigneur majeur.
Le Juge Suprême avançait avec solennité sur le tapis pourpre qui traversait la halle dans sa longueur, tous les regards tournés vers lui. Sa brigandine qui descendait jusqu'aux mollets claquait sur ses grèves de métal à chacun de ses pas, résonant dans le silence qu'avait invoqué son arrivée inattendue.
Il avait jeté un froid.
Il s'arrêta au milieu de la salle, toisant sans mot dire l'ensemble de l'assemblée.
Il ouvrit la bouche pour parler, mais fut interrompu par la clameur d'une viole, quelques longues notes tristes, perçant le silence.
La musique provenait des tentures qui couvrait l'accès aux parties privée du château, juste derrière le trône. Tous les regards s'y tournèrent.
L'instrument se lança alors dans des envolées lyriques, trahissant une virtuosité notable.
On s'attendait à voir apparaître le seigneur Edson, mais ce fut une toute autre personne qui surgit de derrière les tentures.
La femme qui se révéla était incroyablement jeune. La trentaine, tout au plus. Sa grâce fut la première chose qui frappa l'assemblé car elle arriva en faisant une pirouette sur la pointe de son pied, avant d'enchainer quelques autres pas de dans et entrechats.
Puis, on se rendit compte que c'était elle qui jouait de la viole. Sa virtuosité s'accentua à mesure qu'elle enchaînait des notes de plus en plus rapides, sur des pas de danse de plus en plus rapides et complexes.
Puis, le reste de sa beauté se révéla à mesure qu'on détaillait son visage parfait, son teint doux souligné par un maquillage simple mais splendide, ses yeux en amande approfondis par le noir intense de ses iris, ses membre fins et agiles, ses parures faites rubans de soies teintés de blanc et de toutes les nuance de turquoise, virevoltants au fil de son ballet.
Pour couronner le tout, deux très longs rubans incarnats tournoyait autour d'elle, semblant naître au coeur de ses cheveux au niveau des tempes, qu'on identifiia rapidement comme étant son physiom.
La bourrée dura quelque minutes, au cours desquelles elle suivit un lent parcours la menant au centre de la halle. Le son de la viole enivrait tous les convives et le silence qui l'accompagna fut aussi religieux que contemplatif.
Ce fut à l'issue de quelques virvoltes autour du Juge Suprême qu'elle conclut par une longue note soutenue sur un puissant vibrato qui, Luder l'entrevit, arracha une larmichette aux plus sensibles des convives.
Elle garda la pose pendant l'instant de quiétude qui s'ensuivit, gracieuse, une jambe tendue vers l'avant, la pointe effleurant le sol, les bras en suspension dans l'air, le menton levé, les yeux humide et le visage perdu dans un état d'émoi.
Un rugissement d'applaudissement éructa de la foule quand elle se relâcha sa posture et afficha un sourire éblouissant.
Elle s'inclina une douzaine de fois pour remercier ce triomphe puis, quand le silence fut revenu, prit la parole avec une voix aussi puissante qu'elle était douce.
Elle doit aussi être une excellente chanteuse, pensa le seigneur Luder en l'entendant.
"Merci à vous pour cet accueil digne des plus plus seigneurs de ce monde ! Je n'ai nul besoin de me présenter, vous savez tous qui je suis !"
Les moins dignes des convives crièrent son nom, "Gardénia ! Gardénia !", avec un laisser-aller qui firent naître des rictus gênés sur les lèvres des plus haut seigneurs — mais pas du seigneur Luder, qui avait un flegme à toute épreuve.
Bien sûr que tout le monde l'avait reconnue, c'était la bardesse la plus convoitée du monde, ces dernières années. Elle était tout à fait identifiable par le symbole tracé à l'or sur la table d'harmonie de sa viole et qui ornait ses oreilles en des boucles d'argent : un papillon posé sur une gardénia.
Le seigneur Luder savait qu'il s'agissait d'une gardénia, car c'est de cette fleur qu'elle a pris son nom, mais elle ressemblait en réalité à une fleur assez lambda, sur son symbole. Peu de gens connaissait l'existence de cette fleur, aussi aujourd'hui le mot 'gardénia' était plus associé à la personne qu'à la plante.
Luder réfréna un sourire. C'était la première fois qu'il voyait la bardesse en personne mais il l'avait beaucoup étudiée. Il savait que son pseudonyme n'était pas choisi au hasard, ainsi avait-il entre autres découvert que la gardénia était symbole de beauté, mais aussi du secret dans certaines culture.
Il jeta un œil à son ami le seigneur Farel, mais son regard braqué sur l'artiste ne trahissait aucune émotion.
"J'ai aujourd'hui la chance, que dis-je, l'insigne honneur d'être non seulement l'invitée d'honneur de la Cour de Printemp, mais également de vous introduire, "