« Littérature:Petit Jardin en Fleur/Le petit sifflet de laiton » : différence entre les versions

De Magnus Codex
Aucun résumé des modifications
Aucun résumé des modifications
Ligne 13 : Ligne 13 :
Puis, quand j'avais enfin réussi à me plonger dans mon travail, trois coups frappèrent à la porte.  
Puis, quand j'avais enfin réussi à me plonger dans mon travail, trois coups frappèrent à la porte.  


Je me levai, lourde d'apathie —et aussi à cause du grand âge qui rouillait mes genoux plus que rodés— et me dirigeai pour accueillir mon visiteur. Il s'agissait d'un jeune homme bien habillé, en redingote de feutre et au chapeau bien entretenu. Ce qui me frappa fut qu'il n'était pas du coin. Contrairement aux habitants d'ici, qui avaient la peau bleue, lui avait la peau rouge, comme moi. Enfin, "jeune" de mon point de vue. Il avait facilement plus de cinquante ans.
Je me levai, lourde d'apathie —et aussi à cause du grand âge qui rouillait mes genoux plus que rodés— et me dirigeai pour accueillir mon visiteur. Il s'agissait d'un jeune homme bien habillé, en redingote de feutre et au chapeau bien entretenu. Il s'appuyait sur une canne de cèdre au pommeau d'acier. Ce qui me frappa fut qu'il n'était pas du coin. Contrairement aux habitants d'ici, qui avaient la peau bleue, lui avait la peau rouge, comme moi. Enfin, "jeune" de mon point de vue. Il avait facilement plus de cinquante ans.


"Je suis Pelapte, marchand de mon état. Vous êtes bien Nuope, l'artisane ? J'aimerais discuter avec vous pour une commande un peu spéciale."
"Je suis Pelapte, marchand de mon état. Vous êtes bien Nuope, l'artisane ? J'aimerais discuter avec vous pour une commande un peu spéciale."
Ligne 136 : Ligne 136 :
Elle disparu alors dans le couloir, comme si chaque minute comptais —alors qu'elle aurait aussi bien pu mettre une demi-journée à se préparer, vu que nous allons avoir au moins une semaine et demie de voyage—.
Elle disparu alors dans le couloir, comme si chaque minute comptais —alors qu'elle aurait aussi bien pu mettre une demi-journée à se préparer, vu que nous allons avoir au moins une semaine et demie de voyage—.


Je la suivit tranquillement, jusque dans sa chambre où elle avait sorti un grand sac à dos de voyage.
Je la suivit tranquillement, jusque dans sa chambre où elle avait sorti un grand sac à dos de voyage. À ma stupeur, elle ne prit aucun vêtement de rechange. Elle mis simplement deux ensembles de sous-vêtements, puis un barda  particulièrement volumineux —un duvet, un réchaud de voyage, des chaussures de rechange, un couvre-selle, un tabouret pliant, et nombre d'instruments dont je peinais à comprendre l'usage— avant de le refermer, satisfaite.
 
Elle ferma la porte sous mon nez, puis ressortit quelque instants plus tard dans un ensemble d'habits de voyage robustes et usés, dont un grand imperméable de cuir bouilli qui contenait une bonne douzaine de poches à rabat, couvrant jusqu'à ses mollets et visiblement conçu pour être porté à cheval.
 
Elle se coiffa d'une chapka aux oreilles relevée, et dans cette accoutrement complet elle ressemblait réellement à un mélange entre une enquêtrice itinérante et une aventurière.
 
Elle partit en direction de l'entrée et, dans sa penderie et en ressorti avec un personnel, un long bâton de marche lesté aux extrémités et pouvant servir d'arme d'autodéfense. Je remarquais que son modèle était muni d'une pointe au bout, ce qui est utile pour les deux usage qu'on en faisait.
 
Pour ma part, j'avais récupéré ma canne-épée.
 
"C'est parti." dit-elle d'un ton déterminé.
 
Le voyage se déroula sans encombre.

Version du 23 juin 2023 à 17:16

Le petit sifflet de laiton
RecueilPetit Jardin en Fleur
TypeNouvelle
ÉtatBrouillon

Le petit sifflet de laiton

En l'an 369 du Troisième Âge

Aujourd'hui, je n'arrivai pas à me concentrer sur mon travail. Je n'arrêtais pas de regarder par la fenêtre, sans trop savoir pourquoi. Une intuition, sans doute. Après toutes ces décennies de travail, mon esprit percevait beaucoup plus de choses que la plupart des gens.

Mais tout ce que je voyais, c'était le brouillard matinal qui nimbait mon petit village paisible. À chaque fois que je levais la tête de mon œuvre, j'essayais de distinguer, une silhouette, du mouvement à travers la nappe blanche, en vain.

Puis, quand j'avais enfin réussi à me plonger dans mon travail, trois coups frappèrent à la porte.

Je me levai, lourde d'apathie —et aussi à cause du grand âge qui rouillait mes genoux plus que rodés— et me dirigeai pour accueillir mon visiteur. Il s'agissait d'un jeune homme bien habillé, en redingote de feutre et au chapeau bien entretenu. Il s'appuyait sur une canne de cèdre au pommeau d'acier. Ce qui me frappa fut qu'il n'était pas du coin. Contrairement aux habitants d'ici, qui avaient la peau bleue, lui avait la peau rouge, comme moi. Enfin, "jeune" de mon point de vue. Il avait facilement plus de cinquante ans.

"Je suis Pelapte, marchand de mon état. Vous êtes bien Nuope, l'artisane ? J'aimerais discuter avec vous pour une commande un peu spéciale."

Je le dévisageai de haut en bas, incrédule. "Oui, c'est bien moi. Vous voulez que je vous serve un thé ou un café, pendant qu'on parle de ça ?"

Le bourgeois sourit et je le fis entrer.

"Jolie redingote," remarquai-je.

"Merci ! J'en suis très fier, je l'ai faite venir du cercle Akva, d'où je viens. Ça me rappelle un peu le pays."

Nous nous essayâmes et je servis le thé.

"Santé !" lui dis-je dans le patois shamanique.

Il sourit et me répondit dans la même langue : "Santé !".

J'enchaînais en buvant mon thé : "Ça fait longtemps que vous êtes dans la région ?"

Il but à petites gorgées. "Environ quatre ou cinq ans ? Mais j'habite plus bas, à deux heure du Havre. C'est rare que je vienne aussi haut dans la montagne."

"Comment avez-vous entendu parler de moi ?"

Il posa sa tasse et pris un air pensif. "Je crois que c'était un collègue à moi qui m'a parlé de vous, et du bon rapport qualité-prix. Je me suis un peu renseigné, vous avez une petit notoriété dans la région — parmi les gens qui s'y connaissent."

"Pourtant, je ne fais pas beaucoup de publicité."

Il fit un geste fataliste. "La publicité vient d'elle-même, quand la qualité est là. Et puis, plus que marchand, je suis aussi négociant. J'ai l'habitude de dénicher les meilleurs artisans."

Il fit mine de vouloir me resservir, mais je levai une main pour lui signifier que j'en avais eu assez.

"Quelle est donc, cette commande si spéciale ?" demandai-je enfin.

"J'y viens, mais avant toute chose : puis-je utiliser vos toilettes ?"

Je lui indiquai le couloir conduisant vers les autre pièces, en lui précisant de prendre la deuxième porte à gauche.

Quand s'engouffra dans le couloir et quitta mon champs de vision, je me dit que c'était une personne étrange. Je comptais inconsciemment les pas qui faisaient écho. Un, deux, trois...

... sept, huit, NEUF ?

Mon esprit quelque peu apathique fut réveillé une grande poussée d'adrénaline quand je me rendis compte qu'il était allé plus loin que la porte des toilettes dans le couloir — que l'on atteignait en cinq pas, maximum. Je me levai et me précipitai à sa suite.

Comme je m'en doutais, je ne le trouvai pas aux toilette. Au lieu de ça, il se trouvait dans l'encadrement de porte d'une pièce que je ne visitais quasiment jamais. Il regardait les étagères qui couvraient les murs et celle dressée au milieu de la pièce, couvertes de bibelots en touts genres, allant de la simple baguette de cerisier à la complexe montre de Lace, en passant par des loupes aux lentilles de grossissement divers, aux badges gravés de symboles plus ou moins esthétique. Bref, une quantité phénoménale d'objets à l'utilité plus ou moins discutable.

La pièce ne contenait rien d'autre, juste des centaines de gadget qui représentait — de manière détournée — l’œuvre d'une vie.

Quand j'arrivai en trombe, l'homme ne réagit pas, sinon de se tourner vers moi et de me lancer avec son plus large sourire : "Je suis content de voir que les rumeurs sur vous étaient vraies, Maîtresse Eupope."

Je soupirai. Il entra complètement dans la pièce et examina de plus près quelque unes des babioles. Il prit grand soin de ne les toucher qu'avec les yeux, et je l'en remerciai silencieusement pour ça.

"Savez-vous qui je suis, Maîtresse Eupope ?" Il avait dit ça sans animosité ni malicité particulière, juste une curiosité authentique.

Je lui répondit sur un ton nonchalant. "Vous êtes de l'Ordre des Arpenteurs de Pierre, n'est-ce pas ? Le ministère chargé des enquêtes à l'international pour la tradition arcaniste ?"

"Aujourd'hui, on dit plutôt 'Service de Renseignements Extérieurs', ou SRE, mais oui, je suis bien un arpenteur de pierre." Il se pinça le menton. "Mais comment avez-vous compris aussi vite ?"

Je ne pu empêcher un rictus de naître au coin de ma lèvre. "Pour commencer, vous n'êtes clairement pas du coin. Vous avez prétendu avoir importé votre redingote, mais elle est en coton. Ici, dans ces montagne, on ne s'habille qu'en laine. Seuls les noble et les riches bourgeois importent des vêtement faits dans d'autres matière, mais ils choisissent plutôt des matières plus luxueuse, comme le feutre ou la soie. Vu la patine de la redingote, il est clair que c'est une acquisition assez récente.

"De plus, vous n'êtes pas réellement shaman. Vous prétendez venir du Cercle Akva, mais vous n'avez fait aucun commentaire sur le fait que j'ai servi le fameux thé noir aux figues, spécialité de là-bas qu'on appelle aussi Thé Or. Il était certain que vous devriez le connaître car vous auriez pu demandé du café. Pire encore, quand je vous ai dit 'Santé !' dans le patois du Cercle Vlala, la coutume voudrait que vous me répondiez dans votre patois à vous, c'est-à-dire celui de Akva, ce que vous n'avez pas fait.

"J'ai tout de suite remarqué que vous étiez métis. Vous avez certes la peau rouge et les cheveux blonds, mais vos yeux sont bien trop clairs par rapport à ceux des peuples des steppes. Quand j'ai compris que vous n'étiez pas shaman et sous couverture, j'ai donc énuméré les nations desquels vous pouviez provenir, avec un tel phénotype : Alchimie, Expressionisme et Arcanisme.

"Comme vous n'êtes pas assez riches —ce genre de chose se voit facilement, même en mettant des vêtements modestes— vous n'êtes pas une personne privée ou le représentant d'une maison noble. Sans compter sur votre manière habile de jouer la comédie, qui est entraînée. Facile donc de déduire que vous opérez pour un gouvernement.

"Comme vous m'avez appelée 'Maîtresse Eupope', j'ai bien entendu compris que vous me cherchiez en tant qu'enquêtrice. J'ai donc pu éliminer l'Alchimie, qui a uniquement recours aux services de police pour leurs enquêtes —et qui a légiféré l'interdiction des enquêteurs privés pour les crimes les plus graves— ainsi que l'Expressionnisme qui, certes a recours à des enquêteurs de passage mais se sers habituellement dans ceux qui se trouve à leur disposition —et pas au fin fond des montagnes perfectionnistes—. Il ne restait plus que l'Arcanisme.

"À partir de là, rien de plus simple : les Arpenteurs de Pierre sont connus pour être des enquêteurs agissant à l'extérieur des territoire expressionniste et qui utilise très souvent des personnes métisses pour passer inaperçu."

À l'issue de mon monologue, il fit ressortir sa lèvre inférieur pour montrer qu'il était impressionné. "Et savez-vous pourquoi je suis venu demander vos services ?" Sa curiosité était à son comble, il trépignait de voir si j'avais tout compris de A à Z.

Je secouai la tête : "Non, mais il y a une raison très simple à cela."

"Laquelle ?"

"Je m'en moque éperdument."

Après un instant de torpeur coite, il me sortit : "Repassons au salon, nous devons discuter."

Cette fois-ci, à sa demande, je lui servis du café. Il grimaça en constatant son amertume, mais ne fit aucun commentaire.

"Je me nomme en réalité Betec Steiner, et comme vous l'avez justement déduit, je suis un agent du SRE."

Je restai imperturbable. Je ne comptais pas vraiment répondre positivement à sa requête, quoi qu'elle fut.

"Ça fait un petit moment que nous entendons des rumeurs comme quoi vous n'êtes pas morte. La piste était ténue, et pour être jusque là nous n'avions aucun intérêt à faire appel à vous, mais cette affaire en particulier..."

Il tchipa.

"Une des affaires les plus sordides, étranges et complexes que j'ai vu. Probablement LA plus sordide et complexe. Un tueur en série. Le plus prolifique de ces dix dernières années. Quand je suis parti de Ketarop, il y a une semaine et demi, on comptait quatorze meurtres. Comme il cache les corps, il peut très bien y en avoir d'autres."

Je pris un air désabusé. "Je suis bien consciente de la difficulté de votre tâche, mais tout ça c'est derrière moi. Je ne ferai plus d'enquête, pour le compte de quiconque. C'est fini. Vous allez devoir vous débrouiller seul. Vous avez fait tout ce chemin pour rien."

"Attendez, si vous me laissez entrer un peu plus dans les dét..."

Je le coupai "Quelle âge pensez-vous que j'ai ?"

Il resta un moment interdit devant l’abrupteté de cette incise. "Hum, quand vous avez disparu, il y a dix ans, vous étiez déjà bien avancé dans votre carrière. Vous avez même eu un apprentis avant ça, il y a vingt ou trente ans je crois. Je dirais que vous avez passé la barre des quatre-vingt ans ?"

Je plantai mon regards dans le sien. "J'ai quatre-vingt dix-sept ans. Oui, je n'ai plus que trois ans à vivre. Alors, si vous me le permettez, j'aimerais être un tout petit peu égoïste pendant le temps qu'il me reste, et au moins me reposer un peu. J'ai déjà donné tout ce que je pouvais à ce monde. À soixante ans, il y avait déjà nombre de bardes qui relataient mes exploits et qui me faisait connaître partout dans le monde sous le titre de la Détective brillante ou encore Eupope à l’œil souple. Quand j'ai atteint les quatre-vingt ans, beaucoup de biographes et d'enquêteurs avaient documenté mes méthodes et mes pratiques. Je n'ai plus rien à vous donner, et je mérite ce repos."

Il prit un air défait."Je me doutais qu'on aurait ce genre de conversation. Et croyez-moi, ça me fait mal de vous soutirer à tout ça —au delà de l'excitation de vous voir en chair et en os— mais il y a un point qui rend cette histoire très particulière. Me permettez-vous de donner un dernier détail, qui vous permettra de prendre votre décision en pleine conscience ?"

Il commençait à m'agacer, mais je ne voulais pas non plus me montrer inhospitalière. En signe d'acquiescement, je lui rerservai une tasse de café.

Il prit une grande inspiration.

"Toutes ses victimes... sont de jeunes enfants."

La cafetière se brisa sur le sol.


Malgré le trouble évident —la pauvre cafetière en étant victime— mon interlocutrice ne laissa paraître aucune émotion. Au contraire, son visage se convulsait maintenant dans une moue perplexe.

"Monsieur Steiner, quand voulez-vous que l'on parte ?"

Amusant comme elle sautait les étapes. Pas de "J'accepte de vous accompagner" ni de "Vous aviez raison d'insister", elle était directement passée à l'étape suivante. Elle n'était pas du genre à tergiverser. Je commençais à voir se profiler l'enquêtrice de la légende : la pensée vive et l’œil pétillant de sagacité.

"Dès que vous êtes prête," lui répondis-je.

Elle acquiesça. "Ça ne prendra qu'une heure."

Elle disparu alors dans le couloir, comme si chaque minute comptais —alors qu'elle aurait aussi bien pu mettre une demi-journée à se préparer, vu que nous allons avoir au moins une semaine et demie de voyage—.

Je la suivit tranquillement, jusque dans sa chambre où elle avait sorti un grand sac à dos de voyage. À ma stupeur, elle ne prit aucun vêtement de rechange. Elle mis simplement deux ensembles de sous-vêtements, puis un barda particulièrement volumineux —un duvet, un réchaud de voyage, des chaussures de rechange, un couvre-selle, un tabouret pliant, et nombre d'instruments dont je peinais à comprendre l'usage— avant de le refermer, satisfaite.

Elle ferma la porte sous mon nez, puis ressortit quelque instants plus tard dans un ensemble d'habits de voyage robustes et usés, dont un grand imperméable de cuir bouilli qui contenait une bonne douzaine de poches à rabat, couvrant jusqu'à ses mollets et visiblement conçu pour être porté à cheval.

Elle se coiffa d'une chapka aux oreilles relevée, et dans cette accoutrement complet elle ressemblait réellement à un mélange entre une enquêtrice itinérante et une aventurière.

Elle partit en direction de l'entrée et, dans sa penderie et en ressorti avec un personnel, un long bâton de marche lesté aux extrémités et pouvant servir d'arme d'autodéfense. Je remarquais que son modèle était muni d'une pointe au bout, ce qui est utile pour les deux usage qu'on en faisait.

Pour ma part, j'avais récupéré ma canne-épée.

"C'est parti." dit-elle d'un ton déterminé.

Le voyage se déroula sans encombre.